Chronique N°961
La France a connu un fort épisode pluvieux méditerranéen au moment du précédent week-end avec les inondations relatées dans le Var et les glissements de terrains qui ont bloqué de nombreux axes routiers dans les Alpes maritimes.
Au niveau météorologique c’est la conjonction de deux phénomènes inverses dont la rencontre a duré du jeudi 16 au lundi 20 janvier 2014.
Alors que les perturbations circulaient de l’Atlantique à l’Europe sans encombre autour d’une dépression centré un peu au nord de l’Irlande. Plus vigoureuses à la fin de la semaine dernière, elles ont tenté de descendre à des latitudes plus méridionales, c’est ainsi que la dépression a atteint la Manche le 17 et que l’air des hautes latitudes a atteint la Péninsule Ibérique jusqu’à la mer d’Alboran où un petite dépression secondaire s’installe le dimanche 19 janvier.
A l’inverse , alors qu’elle avait disparu les jours précédents, une barrière anticyclonique méridienne se remet en place sur l’Europe continentale, mélange complexe de la remontée en altitude des hautes pressions subtropicales à partir de la Tunisie et de la descente au sol de l’anticyclone continental très froid centré sur la Scandinavie qui occupe le continent Européen. La route des perturbations en provenance de l’Atlantique est d’autant plus coupée que la barrière méridienne de hautes pressions ainsi crée peut s’appuyer sur le bastion alpin central.
Le reste correspond à un mécanisme connu : l’air froid se radoucit et se recharge en humidité sur la Méditerranée et bloqué, par cet axe de hautes pressions, les masses pluvieuses ainsi régénérées remontent par bouffées de plein sud et viennent buter sur le littoral français de la Côte d’Azur, pendant une durée anormale de 4 jours !
La première vague pluvieuse frappe surtout les Alpes maritimes le jeudi avec plus de 65.8 mm à Nice, les précipitations du vendredi sont plus faibles avec une quinzaine de millimètres en plus sur les Alpes maritimes, mais elles reprennent de plus en plus fortes sur un axe du Var qui remonte ensuite jusqu’à la région Rhône-Alpes. Le Luc reçoit 86.2 mm le samedi et 55.1 mm le Dimanche. Géographiquement, quand les Alpes maritimes sont au cœur des précipitations le var est aussi affecté et inversement ce qui signifie que le même espace a été concerné pendant les 4 jours !
Les grosses pluies méditerranéennes sont remarquables par leur grande intensité, ce n’est pas le cas cette fois car je n’ai trouvé aucune quantité supérieure à 100 mm en 24 h, même s’il est possible que l’arrière-pays ait connu ponctuellement ces abats, mais cette fois, la durée de l’épisode pluvieux a très largement compensé la moindre intensité horaire. Par exemple le total des 4 jours atteint 178,4 mm au Luc pour un maximum quotidien de seulement 86.2 mm et à Nice le cumul se monte à 146,2 mm pour les 4 jours pour un maximum de 65.8 mm pour la journée la plus arrosée.
Pour une fois des pluies méditerranéennes ont provoqué des impacts en fonction de leur durée plus que de leur intensité ! Cet aspect doit être mis en rapport avec la date !
La saison de ces excès se termine avec habituellement le début de l’année civile alors qu’elle est en principe concentrée sur la période de la dernière décade de septembre au début de décembre. Par exemple de 1989 à 1999, on trouve encore en janvier en France moins de 10 pluies supérieures à 100 mm et moins de 5 supérieures à 200 mm en 24 heures, Ces valeurs baissent depuis décembre et sont quasiment nulles en février. A partir de janvier, un paramètre de la violence de ces précipitations méditerranéennes est très affaibli. Il s’agit de la température de surface des eaux de la Méditerranée occidentale qui descend en dessous de 15° soit quasiment au niveau de celles de la profondeur 13°. Ceci signifie qu’à l’arrivée de l’air froid Atlantique, la « Grande Bleue » est bien moins chaude qu’à l’automne et la conséquence correspond à une recharge des masses nuageuses en humidité bien plus faible et à une capacité limitée de déposer de très fortes précipitations dès l’arrivée sur le continent.
Les crues sont par contre d’une ampleur démesurée par rapport aux précipitations sur le secteur qui a cumulé la répétition des pluies du jeudi au dimanche inclus entre Hyères et le secteur de Fréjus.. Dès que l’on sort de ce secteur géographique qui a subi cette accumulation dans la durée, les crues s’affaiblissent autant du côté de Marseille que de Nice.
Par exemple deux fleuves côtiers ont débordé , le Gapeau avec 3m où les niveaux dépassent ceux de novembre 2011 ou décembre 2008, mais aussi L’Argens ou avec 6.5m , la crue de décembre 2008 est dépassée, celle de novembre 2011 approchée , mais la grosse catastrophe du 15 juin 2010 passe nettement au-dessus . Le niveau de la crue de décembre 2008 n’est pas atteint sur les cours d’eaux marseillais ou niçois.
La durée des fortes précipitations a permis un écoulement de plus en plus important au fil de l’épisode. Les cours d’eaux montrent tous trois pointes, la dernière est toujours la plus haute dans la nuit de Dimanche à lundi alors que ce n’est pas elle qui a reçu le plus de pluie. Il s’est ajouté un phénomène de saturation du bassin versant qui a contribué à une montée disproportionnée des cours d’eau.
Ce phénomène a joué sur les 4 jours de l’épisode, mais aussi sur les 2 derniers mois. Par exemple au Luc, il est tombé 206 mm depuis le début de janvier qui surviennent après un mois de décembre qui avait déposé 155.8 mm, soit 362 mm. Sur des sols saturés, avec des températures hivernales qui correspondent à une évaporation très faible, les circonstances hydrologiques de l’écoulement ont contribué très fortement à aggraver les niveaux des fleuves et les inondations.
Deux autres facteurs ont aussi contribué à augmenter les impacts :
Dans les régions inondées du Var, l’urbanisation de la partie basse s’est développée au point d’occuper une partie du lit d’inondation de la rivière. Je dispose des cartes IGN mises à jours en 1956 et 1997 sur laquelle figurent les cours du Gapeau et du Pansard qui concerne la Londe les Maures, commune très touchée. En 1957, aucune habitation mentionnée ne se trouvait à moins de 100 m des cours d’eaux et le plus souvent placées de l’autre côté d’une voie routière qui réalise une certaine protection. En1997, plus d’une demi-douzaine sont apparus souvent avec des serres à proximité de la rivière pour le Gapeau et bien plus le long du Pansard en particulier entre la Londe les Maures et le Port de Miramar. La rivière n’occupe qu’un petit filet d’eau en temps ordinaire mais un très large lit majeur en cas de crue, un piège classique de la mise envaleur des pays méditerranéen où manque l’espace plat !
L’autre circonstance aggravante concerne les glissements de terrains survenus dans les Alpes maritimes. La très grande saturation des sols s’est combinée avec la nature argileuse et schisteuse des roches qui constituent l’ossature de cette partie des Alpes. Sous l’effet de l’eau, l’argile gonfle, perd sa structure et sa cohérence et ainsi les roches glissent le long des pentes. Le 24 novembre 2000, une multitude de glissements de terrains et de coulées de boues ont coupé 17 routes de l’arrière-pays Niçois et affecté des habitations dans la région de Menton. Janvier 2014 ne constituent à cet égard qu’une répétition d’un phénomène très présent dans les montagnes argileuses et surtout en Italie sur les Apennins !
Un épisode climatique largement aggravé par les aspects hydrologiques et géologiques !
Gérard Staron vous retrouve samedi prochain sur Radio Espérance, bonne semaine….