Chronique N°920
Si mars a été mauvais chez nous, nous ne devrions pas nous plaindre quand on compare à ce qu’ont subi nos voisins allemand et polonais aspect totalement occulté par les médias.
La carte des anomalies de températures du mois de mars, montre que si la moitié nord de la France a subi un déficit de plus de 1° , si toutes nos régions frontalières de la Belgique à l’Allemagne ont poussé cette anomalie à 3° en dessous des normales , l’ensemble de toute la Plaine d’Allemagne du Nord et des monts hercyniens qui la borde est au-delà , ce déficit thermique dépasse 5° de l’Ancienne RDA à la Pologne et l’on passe à -7° par ilots sur la Lituanie et de façon plus régulière en Russie, de réputation déjà si froide !
La moyenne de mars constitue un record de froid depuis 1963 à Berlin avec -0.5° battant le record précédent de 1969 (-02°), record de froid depuis 1947 pour Gorlitz et Angermunde avec respectivement -1.5° et 1.6° devançant dans un cas 1958 et dans l’autre 1969., record de froid depuis 1906 à Lindenberg (-1.2°) devançant 1917 avec -1.1°, record de froid depuis 1891 à Hambourg (-0.4°) égalant celui de 1942 et enfin record de froid depuis 1889 à Gottbus (-1.1°) battant celui de 1969 avec -0.5°.
Les rythmes de ce froid au cours du mois ont été les mêmes que chez nous. Logiquement quand la vague de froid était la plus intense chez eux, elle était la plus étendue chez nous. On retrouve les mêmes périodes de très basses températures minimales que celles que j’ai mentionné dans le bulletin N°88 « Météo fil » d’entre Rhône et Loire qui vient de paraitre. D’abord celle du 14 au 16 mars, Quand il faisait -16° à Gottbus et -14° à Angermunde , on retrouve entre -11 et -13° sur nos postes d’altitude du Pilat et -5° sur l’ensemble de nos deux départements. Ensuite la vague de fin du mois débute comme en France vers les 23 et 24. Quand il faisait encore de -13° à -15° à la frontière germano-polonaise, les fortes gelées reprenaient sur le Massif central pour culminer quelques jours plus tard. On trouve les mêmes périodes de répit des très basses températures qu’en France entre le 5 et le 9 et aussi entre le 17 et le 22, mais à la différence de la France où le thermomètre est parfois monté jusqu’à 20° à Villefranche sur Saône et 19° à Lyon et Saint Etienne, les stations de l’est de l’Allemagne sont restées continument dans les gelées sauf le 6 et le 7 à Hambourg ou Berlin : 31 jours consécutifs de gelées en mars à Angermunde et Gottbus pourtant à basse altitude.
La plupart de ces postes, Gorlitz, lindenberg, Gottbus, Andermunde, sont situés à proximité de la frontière polonaise mais les records de neige sont situés un peu plus à l’ouest fort logiquement, avec 36cm à Lubeck, 28 cm à Hambourg, 20cm à Berlin et enfin 18 cm à Francfort.
Les allemands ont même joué la prolongation du froid au début du mois d’avril puisque des minimums très bas ont été enregistrés jusqu’au 8 avril avec -8.1° à Greifswald, -7.5° à l’aéroport de Bonn Cologne et -6.7° à Magdebourg. Ce même jour la France commençait à entrevoir une amorce de printemps qui a continué à se développer ensuite.
Pour comprendre la raison de ce froid exceptionnel de l’ensemble européen au-delà des reliefs majeurs que constitue l’arc Alpin, il faut effectuer une analyse d’ensemble de l’hémisphère nord, car il s’agit bien d’un phénomène généralisé sur l’Europe et je ai choisi mes exemples en Allemagne car ce pays communique ses données météorologiques de façon plus facile et objective que d’autres !
Tout se passe comme si le pôle avait choisi de dispatcher son froid autour de lui.
La situation moyenne sur 30 jours montre un anticyclone extrêmement puissant sur l’Océan arctique avec une forme un peu allongée de la baie d’Hudson à la Sibérie. Ces hautes pressions sont particulièrement puissantes en altitude avec une forte anomalie positive au niveau de la surface des 500 hpa. Habituellement les anticyclones polaires sont très puissants au sol en raison de l’accumulation de l’air froid très dense et plus faibles en altitude, ici nous sommes dans une situation inverse qui rend ce centre d’action particulièrement stable. L’air froid très dense au sol est surmonté par celui plus volatile. Pour cette raison, cette situation qui s’est installée dans la première partie du mois de février a persisté jusqu’au début avril.
Cette masse anticyclonique dispache son air froid par une série de dépressions qui sont situées aux latitudes moyennes, tout autour des zones polaires, et qui servent de relais pour envoyer l’air froid sur une grande partie de l’hémisphère nord. Il fait très froid au cœur des zones qui ceinturent l’arctique, entre -20 et -30° et parfois en dessous au niveau de la surface des 500 hpa et vers -10 à -12° au niveau de celle des 850 hpa.
Ces dépressions froides des latitudes tempérées forment une ceinture.
On trouve celle qui nous intéresse, de l’Europe centrée sur la Russie d’Europe, qui envoie son froid par une langue de Nord-est qui traverse la Pologne, l’Allemagne, et termine sa route sur la France.
On remarque ensuite celle de l’Atlantique au large de l’Irlande, plus modeste.
On trouve celle de l’Amérique du nord centrée sur la Mégalopolis qui envoie son air froid en direction des Grandes plaines et trouve ensuite des relais secondaires sur la Colombie Britanniques et l’Alaska
Enfin un autre ensemble complexe est formé de deux dépressions alignées à la même latitude, la première sur la mer d’Okhotsk actuellement englacée suivie de celle sur l’Extrême-Orient russe et la Mandchourie.
Toutes ces extensions arctiques en direction des latitudes tempérées ont provoqué des flux d’est qui se sont d’autant plus développés qu’ils s’étendent ensuite sur des continents froids que ce soit l’Europe ou l’Amérique du nord. Au contraire les cellules sont bien plus réduites quand elles sont centrées sur un océan comme l’Atlantique ! En hiver, même à la fin, un continent attire plus le froid qu’un océan.
Cette immense invasion d’air froid sur l’hémisphère nord a totalement perturbé la circulation atmosphérique traditionnelle d’ouest avec les fameuses perturbations océaniques. A ce sujet on constate une inversion entre deux parties de l’hiver. Autant jusqu’au début de février la circulation des perturbations d’ouest a prédominé, autant elle a été totalement modifiée ensuite à partir de cette calotte en provenance de l’Arctique qui a généré des flux d’est sur les continents et a chassé plus au sud les perturbations océaniques traditionnelles !
Y-a-t-il un rapport avec la situation de la banquise arctique ?
Cette période est celle où elle connait son maximum d’extension pendant le mois de mars. Alors qu’au cours de 2012, elle a été longtemps déficiente en particulier pendant toute la saison estivale, à la fin de l’année, elle a récupéré progressivement son retard de superficie, son maximum de 2013 sans être très important marque une certaine reprise par rapport aux années précédentes et actuellement pour un début avril son extension est quasiment normale et presque moyenne pour la période de 1979 à 2012.
Nous avons connu pendant cette fin d’hiver avec sa prolongation du début du printemps, une glissade de l’air froid arctique dans tout l’hémisphère nord autour d’un anticyclone particulièrement tenace et cela continue en Europe de l’est !
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi prochain sur les ondes de Radio espérance , bonne semaine.