Chronique N°847
Vous avez pu suivre l’évolution des épisodes méditerranéens en cours de cette dernière semaine. Un bilan s’impose limité à quelques aspects spécifiques, tout ne pouvant être abordé dans une seule chronique !
La première grosse pluie a provoqué un ensemble de zones inondées assez curieux qui associé des régions de climat océaniques, avec les secteurs de Brest et Dublin et d’autres plus méditerranéens sur son littoral français, puis en Italie du nord avec deux secteurs, le premiers aux confins de la Ligurie et de la Toscane et le second en Vénétie . Partout les fortes pluies ont commencé avec les premières heures du lundi pour se terminer au matin du mercredi.
A l’intérieur de cet épisode simultané, le paroxysme s’est déplacé. Il commence par la pointe de la Bretagne lundi entre 8 et 14 heures où Brest reçoit près de 80 mm en 6 heures. Il se déplace ensuite. Il a continué par le sud de l’Irlande avec plus de 50 mm entre 14 et 20 heures sur Dublin. Au passage La Cornouaille anglaise a aussi reçu des totaux importants mais sans inondations importantes médiatisées Dans la nuit du Lundi au mardi ce fût au tour des régions cévenoles Françaises avec une centaine de millimètres au mont Aigoual. Le littoral français du Var et des Alpes maritimes continue d’être balayé dans la matinée de mardi avec des dégâts dans le secteur de Sanary. Ensuite les calamités principales se déplacent en fin de journée de mardi dans le nord de l’Italie. Les victimes les plus nombreuses et les impacts catastrophiques se sont concentrés sur le sud de la Ligurie, le secteur de la Spézia et le nord de la Toscane dans la petite région montagneuse de la Lunigiana avec la petite ville d’Aulla. Selon certaines informations le total déposé aurait pu atteindre entre 200 et 500 mm.
Ce 5 octobre, c’est la même perturbation qui s’étirait des Iles britanniques au détroit de Gibraltar en passant par les Cévennes qui a déposé ces calamités dans des endroits aussi divers.
Ceci pose deux questions :
La première, une même perturbation peut-elle apporter des grosses pluies avec inondations sur plusieurs régions successives ?
J’ai souvent observé ce phénomène lors des gros épisodes méditerranéens. A titre d’exemple, je citerai les tribulations catastrophiques de celui du 22 au 25 septembre 1993 provoqué par les déplacements d’une seule perturbation. Elle commence par un hors d’œuvre encore peu catastrophique sur le Limousin. Elle continue par une grosse pluie sur les Cévennes dans la journée du 22. Les inondations affectent suite la Drôme, la région d’Aix en Provence et Pertuis dans la nuit du 22 au 23. Elles concernent ensuite La Corse et la Ligurie italienne dans la journée du 23. Elles terminent ensuite le 24 par un retour sur les Alpes avec un débordement sur la haute Maurienne et la ville de Brigg en Suisse.
On peut suivre souvent les épisodes méditerranéens aux calamités qu’ils provoquent sur plusieurs régions successives, mais ces dernières sont limitées au domaine méditerranéen ou à ses extensions proches avec des débordements au-delà des montagnes qui ceinturent la Grande bleue.
Ajouter au même moment avec la même perturbation, des inondations sur Brest et Dublin correspond-il à un fait exceptionnel qui n’a pas de précédent ?
Le cas de janvier 1994 qui avait vu le même jour le maximum d’une crue de la Charente en milieu océanique et du Rhône dans sa partie provençale est peu comparable avec celui du début de cette semaine. Lors d’un mois très arrosé par des perturbations presque quotidiennes, dont la succession avait fait déborder la Charente et d’autres rivières océaniques, l’une d’elle s’était transformé en épisode méditerranéen en provoquant la crue des rivières cévenoles de la Durance et du Rhône.
Une situation atmosphérique rare est à l’origine de cette concomitance entre les calamités à Brest et Dublin d’une part, en Provence et Ligurie d’autre part.
Pour que des pluies de cette nature se produisent il faut 3 conditions.
La première est une descente d’air froid sur l’Atlantique, cette dernière s’est produit jusqu’au niveau du détroit de Gibraltar.
La seconde, cet air froid se charge en humidité sur des masses maritimes chaudes, le plus souvent sur la Méditerranée, mais l’Atlantique au niveau du golfe de Cadix est aussi une ressource en humidité chaude en cette saison.
La troisième, ces perturbations chargées en humidité viennent buter sur un anticyclone continental très fort. Lors d’un épisode cévenol classique, les hautes pressions reculent vite sur l’Europe du nord. Au début de cette semaine, ce n’est pas le cas. La résistance de l’anticyclone, même sa progression sur la Scandinavie, la mer du Nord et le nord de la France, effectue un premier blocage qui oblige la perturbation à remonter vers le nord. Les premières terres qu’elle touche dans sa remontée, sont, la pointe de la Bretagne, la Cornouaille anglaise, et le sud de l’Irlande. Ceci explique les fortes pluies et inondations sur Brest puis Dublin.
Plus au sud, au même moment, un blocage plus habituel lors des pluies cévenoles se met en place. La perturbation vient buter sur le même anticyclone qui s’est réfugié derrière les Alpes. Les régions arrosées contournent cet obstacle vers le sud avec les Cévennes, La Ligurie et la Toscane et la Vénétie quand l’anticyclone s’est replié sur l’Europe centrale.
En temps ordinaire, ces blocages par les anticyclones, comme la puissance des perturbations, s’effectue à une échelle régionale. Cette fois les hautes pressions ont résisté au niveau d’un continent entier. la perturbation aussi énorme les attaquaient du détroit de Gibraltar au haut des îles britanniques. Ne pas s’étonner dans des cadres géographiques aussi vastes, que les pluies intenses et les inondations se situent aux deux extrêmes de ces vastes espaces, Dublin et Brest d’une part, la Provence et la Ligurie d’autre part
Au moment où vous m’entendez, un deuxième épisode cévenol se termine. Commencé jeudi, ses fortes pluies ont débuté par La Catalogne et le sud des Cévennes. Au moment où je prépare cette chronique, nul ne sait quelles sont les conséquences. Si je crois les modèles mathématiques, il est possible qu’un troisième épisode intervienne dans les jours qui suivent la Toussaint. Je crains d’être obligé la semaine prochaine de consacrer une nouvelle chronique à la répétition de ces grosses pluies méditerranéennes.
Comme je l’ai longuement présenté dans mon livre de 2003 « le ciel tomberait-il sur nos têtes », ces enchainements de pluies méditerranéennes catastrophiques sont courants.
Par exemple, en septembre 1992 après la catastrophe de Vaison la Romaine le 22, celle de Reines les bains et Couixa arrive le 26, 4 jours après.
En octobre 1988, après la catastrophe de Nîmes le 3, arrivent de fortes pluies sur l’Isère le 9, l’Ardèche et la Drome le 11.
En 1976, après la Corse le 25 octobre, c’est autour des Cévennes les 4 et 5 novembre et de crues de la Loire et l’Ardèche les 9 et 10 novembre.
J’aurais pu aussi citer le mois d’octobre 1960, fin octobre et le 2 novembre 2008.
L’explication de cette répétition de fortes pluies calamiteuses à quelques jours d’intervalle est simple. Tant que l’anticyclone centré sur l’Europe résiste en s’appuyant sur les Alpes et tant qu’il est attaqué par des perturbations froides, et qu’aucun des deux ne chasse l’autre, ces fortes pluies se produisent. Comme en cette saison le froid qui s’accumule sur l’Arctique revigore ces descentes polaires perturbées, seule la disparition de l’anticyclone réfugié derrière les Alpes peut mettre fin à cette répétition. Le problème, à ce jour : il est encore en place !
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance, Bonne semaine.