Chronique N°738
La taxe carbone : une fiscalité climatique ?
Quelque soit sa dénomination, climat énergie ou carbone, les élucubrations entendues ou lues ces dernières semaines rendaient extrêmement perplexes sur l’assiette de la nouvelle taxe. L’idéologie a souvent pondu en ce domaine de nombreuses usines à gaz aux effets pervers. La publication du rapport Rocard, les nombreuses déclarations ministérielles permettent de commencer à avoir une meilleure vision des objectifs.
Si j’ai bien compris, il s’agirait de taxer les consommations d’énergies fossiles, pétrole, gaz naturel et charbon accusés de dégager du gaz carbonique, impliqué dans le réchauffement climatique en raison de l’effet de serre.
Ce sont des énergies totalement importées et dans lesquelles nous ne produisons quasiment plus rien. Historiquement nous n’avons jamais couvert dans ces domaines la totalité des nos besoins, mais jamais la situation n’a été aussi proche de la nullité.
Depuis 1957, pic de la production de charbon, cette dernière a continûment baissé jusqu’à la disparition complète des Charbonnages de France. Ce qui est encore nécessaire pour la sidérurgie et la consommation domestique résiduelle provient des gisements à hauts rendements des zones lointaines de la planète.
Notre faiblesse pétrolière est un leitmotiv depuis les chocs de 1974 et 1980. En dépit des quelques puits du Bassin parisien, tout provient des pays du Golfe persique et d’autres pays d’Afrique et d’Asie utilisés pour diversifier géographiquement nos apports. La part du pétrole de la Mer du Nord, Royaume Uni et Norvège, a toujours été limitée.
A l’époque du gisement de Lacq, La France était un producteur important de gaz naturel, même si la totalité de nos besoins n’a jamais été couverte. Aujourd’hui la région de Mourenx a vécu comme d’autres « la reconversion industrielle », tout vient de loin, des Pays bas pour le plus près, de l’Algérie par méthaniers et de Russie.
Taxer les énergies fossiles revient exclusivement à mettre en place une mesure protectionniste sur des produits totalement importés. A l’époque du libre échange et de la mondialisation, une décision de ce type ne peut pas être présentée comme telle, car c’est porter atteinte à une autre idéologie, économique cette fois, donc il convient de l’habiller de la défense de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Notre facture énergétique, surtout quand les prix du pétrole montent, est un des points noirs de notre balance commerciale et un des responsables de son déficit. Tenter par une taxe, de dissuader de consommer ces énergies importées est un moyen de le réduire, même de façon modeste. En conséquence, c’est aussi améliorer notre balance des paiements qui ajoute toutes les transactions financières et essayer de limiter la croissance de notre dette extérieure.
Si j’ai bien compris, la charge fiscale devant rester stable, cette taxe carbone serait compensée par des diminutions d’impôts affectant le secteur productif et l’on parle de la taxe professionnelle supportée par les entreprises et dont la suppression a été annoncée. La traduction en termes économiques signifie : améliorer la productivité des entreprises françaises, en alourdissant fiscalement en contre partie un secteur importé. C’est ainsi tenter de faciliter les exportations et la croissance de sociétés susceptibles de vendre sur le marché mondial surtout quand elles consomment peu d’énergie fossile et donc d’améliorer un peu la balance commerciale et par voie de conséquence celle des paiements et limiter l’endettement extérieur. L’habillage écologique est très intéressant pour camoufler les atteintes à la concurrence cheval de bataille de la commission européenne !
Enfin c’est un moyen de tenter de réduire, même modestement, notre dépendance énergétique de partenaires encombrants, quand la Russie vient à couper les robinets des gazoducs lors de ses conflits avec l’Ukraine, quand l’OPEP tente de jouer avec la production de pétrole pour maintenir et augmenter les prix, quand quelques régimes totalitaires ou quelques potentats apprentis dictateurs tentent de profiter de leurs rente pétrolière pour faire pression, pour nous obliger à leurs faire les yeux doux, ou à ne pas voir leurs frasques vis-à-vis des droits de l’homme.
Ceci explique que l’électricité soit maintenue à l’écart de cette taxation dans les projets actuels, sauf dans les cas des pointes de consommation où il faut redémarrer de vieilles centrales au charbon ou autres énergies fossiles. La raison officielle serait qu’en raison de son origine nucléaire ou hydraulique, elle ne rejette pas de gaz à effet de serre. En réalité, depuis les chocs pétroliers de 1974 et 1980, et les choix des gouvernements de l’époque, la politique de production électrique a été un outil pour l’indépendance énergétique et l’industrie de la France de première importance. N’en déplaise à qui critique l’énergie nucléaire, le succès a été patent autant au niveau technologique, industriel ou énergétique. Le nucléaire représente plus des ¾ de notre consommation électrique et près de la moitié de l’ensemble de celle d’énergie totale.
Cette énergie présente cependant un problème. Si elle a continué à améliorer ses aspects technologiques et industriels avec AREVA, l’élan de construction des centrales nucléaires a été cassé en France après 1981. Il en résulte des déséquilibres géographiques de notre réseau en particulier dans l’ouest du pays, mais surtout notre parc de centrales nucléaires vieillit. Il va falloir pourvoir à son remplacement avec les technologies nouvelles. La marge de manœuvre dont disposait notre pays pour faire face aux grandes pointes de consommation électrique s’est réduit comme peau de chagrin. Le constat a été fait lors des records de ces dernières saisons froides. Ce n’est pas le soleil qui ne brille pas au moment de ces pointes vers 19heures en hiver, ni l’éolien souvent à l’arrêt lors des temps froids anticycloniques qui pourront faire face à ces besoins exceptionnels. Le secteur de l’électricité va donc devoir investir massivement pour faire face à ces échéances, ce qui explique le récent emprunt d’EDF et le coup d’essai de son dirigeant sur l’augmentation du prix de l’électricité de 20%. Je ne serais pas étonné que l’indignation de beaucoup à la suite de ces propos, ne soit pas feinte !
Dans tout cela que devient le climat derrière lequel s’abritent tous ceux qui souhaitent appliquer ces mesures. Tous jurent être convaincus du réchauffement dangereux au cours du siècle à venir, qu’il conviendrait de limiter à 2°. Tous annoncent qu’il faut lutter contre les rejets de gaz à effet de serre et le gaz carbonique, tellement inerte, qu’il constitue une victime expiatoire rêvée avec peu d’avocats.
Tout l’édifice repose sur des modèles mathématiques basés sur une corrélation entre la température à des époques où l’on ne savait pas la mesurer directement et la teneur de l’atmosphère en gaz carbonique. Un édifice bien fragile quand on connaît la complexité d’un climat dont on est loin de connaître toutes les facéties
Il y a bien eu un réchauffement au XXème siècle, mais depuis 2007, les moyennes ont baissé jusqu’en février 2009 à des niveaux inconnus depuis 1997. La tendance est actuellement floue et les facéties dans le chaud comme le froid de cet été changent peu une évolution récente des températures confuse.
Par ailleurs, ce n’est pas à l’époque où la croissance de la consommation d’énergie a été la plus forte, dans les 30 glorieuses jusqu’en 1975, avec doublement des besoins tous les 10 ans, que la température a cru le plus, elle avait même plutôt tendance à choir.
Le projet de taxe carbone montre que le réchauffement de la planète est un très bon paravent pour tenter d’améliorer la compétitivité de l’économie du pays quand on ne peut plus le faire avec les arguments traditionnels. Très intéressant !
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain pour une nouvelle chronique sur Radio Espérance 13H15, le texte étant repris sur zoom42.fr et ce blog : gesta.over-blog.com
Bonne semaine
Gérard Staron