Les calamités hivernales de décembre (Suite)
Les calamités climatiques n’ont pas manqué lors du dernier week-end, les inondations du Tibre à Rome, le nouvel épisode neigeux sur le Massif central, les inondations dans le Vaucluse et l’on pourrait même ajouter la tempête de glace dans le nord-est des Etats-Unis. Ces questions nous ramènent au même sujet que la semaine dernière : la vague hivernale précoce et généralisée de ce mois de décembre 2008.
Ces événements ont été annoncés exceptionnels d’une façon un peu hâtive, ils posent cependant plusieurs questions.
Distinguons d’abord ce qu’il convient de relier à la première vague hivernale du 9 au 11 décembre et à la seconde du 13 au 15 décembre.
La première offensive du 9 au 11 décembre, déjà traitée dans notre chronique N°706, continue sa route en Méditerranée en liaison avec une dépression dans le golfe de Gènes. Après avoir déposé sa neige de l’est du Massif central, surtout sur le Pilat, aux Préalpes du nord, l’air froid chargé en humidité sur la Méditerranée se déplace vers le sud-est. Il vient alors déverser son eau sur la face Tyrrhénienne de l’Italie. Au nord dans une atmosphère plus froide, les chutes de neige de Gènes donnent une lame d’eau énorme de 122mm. Plus au sud, les grosses pluies inondent le Latium. Il serait tombé en 15 heures, 43 mm sur Rome et 55 mm sur Pratica di Mare. Ces pluies modestes à l’échelle des abats cévenols français sont à relier à la plus faible habitude de fortes précipitations dans ces zones méridionales pour les mettre en relation avec l’importance de la crue ( la plus importante des quarante dernières années).
La seconde offensive du 13 au 15 décembre, à laquelle il faut relier les très fortes chutes de neige du Massif central et les inondations du Vaucluse, est de nature différente. L’air méditerranéen humide qui arrive s’accompagne d’un très fort redoux sur des régions affectées préalablement d’un froid très vif le matin du 13. Au Puy Loudes, le samedi matin, le thermomètre est descendu à -14,2° pour dépasser +3° en fin d’après midi. A Saint Etienne j’ai relevé -8,6° à 8h52 et 6,7° après 21 heures. Cette remontée brutale des températures précède l’arrivée des précipitations qui s’effectuent sous forme de pluie à proximité de la Méditerranée, puis sous forme de neige au fur et à mesure qu’elles pénètrent dans des régions d’altitude influencées par l’air froid précédent.
Il s’est donc produit deux chutes de neige lourdes à quelques jours d’intervalle, la première du 9 au 11 décembre avec 40000 abonnés sans électricité en Isère essentiellement et la seconde sur le cœur du Massif central avec un maximum de 100000 foyers sans courant du 13 au 15. Le tout a été associé aux difficultés de circulation sur les axes traversant le relief central de notre pays ou les Alpes du sud à Isola 2000 qui mérite bien son nom avec des problèmes d’isolement de villages montagnards même au XXI ème siècle.
Il existe un précédent catastrophique de plusieurs chutes de neige lourdes qui avaient répandu la désolation à quelques jours d’intervalle avec une plus grande ampleur sur le sud de la France. Le 28 et le 29 janvier 1986, la première affecte surtout l’Ardèche avec 50 000 abonnés sans électricité. La seconde déplace le problème sur le Languedoc et le Roussillon le 31 janvier 1986, et fait monter à plus de 300 000 les foyers sans courant. Enfin une troisième couche s’ajoute sur l’intérieur du Massif central du 2 au 4 février et perturbe le rétablissement de l’électricité. L’événement a déposé des épaisseurs au moins équivalentes aux actuelles avec 1,40 m de neige à Fay sur Lignon ce qui constitue encore le record.
Seule différence, les régions géographiques affectées étaient un peu différentes puisque ce dernier week-end les intempéries occupent une diagonale transversale par rapport aux reliefs des Alpes du sud au Massif central.
Sur cette même diagonale de la Cote d’Azur au Massif central, ce dernier week-end associe les inondations du Vaucluse où il tombe 100 mm en 24 heures sous forme de pluie et les fortes chutes de neige des reliefs montagneux avec une lame d’eau de 61 mm à Mende et 40 mm au Puy.
Ce sont de petits cours d’eaux qui débordent dans les zones où la précipitation s’effectue sous forme de pluie. La rivière la plus importante est l’Ouvèze. La crue limitée en amont dans les zones enneigées prend de l’ampleur dans la partie aval avec 450 m3s à Bédarrides, ce qui la place au dessus de celle de septembre 2002, mais en dessous de la grande catastrophe de septembre 1992. Au niveau de Cavaillon, des petits ruisseaux, surtout le Coulon, ont défrayé la chronique.
Il existe aussi dans le passé au moins un épisode qui a associé d’importantes chutes de neige lourde et des inondations dans le midi de la France du 6 au 8 janvier 1994. Les fortes pluies sur les Préalpes du sud, de 100 à 300 mm, provoquent une crue de la Durance qui atteint 3200 m3s contre seulement 830 lors du week-end dernier, et une inondation du Rhône en aval d’Avignon qui atteint 11000 m3s contre seulement 2700 m3s à la mi décembre 2008. Au début janvier 1994, ces inondations sont associées avec une chute de neige lourde sur l’est du Massif central qui dépose plus de 40 cm de neige fraîche sur les Cévennes. Le nombre maximum d’abonnés sans électricité avait alors atteint 110000 dont 80000 sur la région stéphanoise.
Les événements méditerranéens sont capables d’associer sous des formes diverses, sans oublier les tempêtes violentes, de grosses pluies susceptibles de provoquer des inondations et des chutes de neige lourdes susceptibles de rompre les lignes électriques ou de perturber les communications,. Selon la répartition géographique et temporelle des deux, on peut avoir une catastrophe quand l’une ou l’autre forme l’emporte nettement sur un espace déterminé, ou limiter les risques quand pluies et neige se partagent successivement sur un même lieu. La seconde chute retenant l’écoulement de la première.
Dernière interrogation, l’attaque hivernale a été concomitante sur les continents américains et européens puisqu’au même moment on signale de fortes chutes de neige dans le nord-est des Etats-Unis et de glace au sud des grands lacs. L’extension des glaces arctiques comme des neiges a été plus spectaculaire côté américain qu’européen. Au début du mois, la banquise entrait seulement dans la Baie d’Hudson qui est totalement englacée le 15. Pendant le même temps, la neige a envahi l’ensemble des chaînes de l’Ouest américain jusqu’à la Californie et au Nouveau Mexique, les grandes plaines jusqu’au niveau de Saint Louis. Ce n’est pas la première fois que nous signalons dans cette chronique la progression conjuguée de l’hiver sur les deux continents, la dernière fois pour des chutes de neige sur New-York et le vieux continent en janvier 2005.
La différence essentielle est l’extrême précocité de l’événement dans la saison. Avec ces couches, l’hiver a mis en place sur une grande partie de l’hémisphère nord un réfrigérateur naturel, y compris du côté asiatique, qui a toutes les chances de pousser les températures vers le bas pendant une grande partie de la saison. Il est en effet très difficile de chasser un air froid surtout quand il s’appuie sur une surface enneigée. Cette dernière a la particularité de réfléchir les rayonnements solaires et de présenter une forte inertie au réchauffement. Par sa présence, de nouvelles précipitations peuvent passer de la pluie à la neige quand elles abordent ces zones qui assurent la pérennité du froid. La lenteur de l’amélioration du temps cette semaine est déjà un premier témoignage. L’hiver 2008-2009 s’est doté, dès le début, des moyens de tenir pendant une bonne partie de la saison des conditions climatiques assez rudes.
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les Ondes ou le site de radio espérance 13h15, texte repris sur zoom42 et zoom4.fr et ce blog .
Joyeux Noël à Tous.