Chronique climatologie N° 706 :
L’épisode hivernal commencé mardi en fin de journée est l’événement essentiel de la semaine.
Pendant deux jours consécutifs de fortes précipitations neigeuses à basse altitude se sont étirées selon un arc incurvé de l’Italie au sud de l’Allemagne en suivant la courbure des Alpes.
Cet ensemble blanc présente deux branches d’orientation différente.
La première au sud, s’étire en France de la Côte d’Azur à la région Rhône-Alpes et présente une orientation sud-est nord ouest. Elle s’étend de part et d’autre de la partie méridionale du Massif Alpin, d’un côté elle déborde sur la Ligurie et la Plaine du Pô et de l’autre elle atteint la bordure orientale du Massif central en particulier sur le Pilat et ses bordures avec des totaux pluviométriques supérieurs à 30 mm et des épaisseurs de neige qui atteignent une quarantaine de centimètres des Préalpes du sud au Pilat ( 80 cm localement).
La continuation septentrionale avec des abats pluviométriques plus faibles s’oriente comme les lignes du relief du sud-ouest au nord-est. Avec plus de 10 mm, les chutes suivent le Jura où la manteau dépasse 40 cm à la Chaux de Fonds, atteignent le pied des Vosges , l’Alsace, et poursuivent leur couverture dans le sud de l’Allemagne, le Bade Wurtemberg, la Bavière, pour atteindre les monts de Thuringe. Cette double orientation de l’arc neigeux correspond au caractère hybride de cet épisode qui est le résultat de la rencontre impromptu de deux types de perturbations issues de la même descente d’air froid.
Cette dernière provient en effet des régions arctiques sur le flanc d’un anticyclone centré sur l’Atlantique.
Sa première partie progresse lentement sous la forme d’une perturbation de nord qui avance mardi dernier sur la France avec un front froid qui s’étire à midi de la région nantaise aux Ardennes
La même langue d’air froid est descendue par ailleurs par le golfe de Gascogne jusqu’à l’Espagne. Quand elle atteint la Grande bleue au niveau du Levant et de la Costa del Sol, une dépression se forme. La froidure d’altitude avec -24° vers 5500 m attire la tiédeur des eaux maritimes qui ne descendent jamais en dessous de 13°. Des masses nuageuses épaisses se mettent en mouvement et remontent vers le nord. Le même mardi à midi le front qui accompagne cet ancien air froid attiédi et pluvieux atteint le sud de la France du Languedoc à la bordure orientale du Massif central.
Le choc entre la perturbation de nord qui apporte seulement quelques millimètres dans le bassin Parisien et celle plus humide qui remonte du sud s’effectue dans le centre est de la France du massif du Pilat aux Alpes. Cette rencontre est d’autant plus brutale que les axes méridiens de la Loire et du Rhône drainent face à face les airs qui remontent du sud et descendent du nord. La bataille va s’effectuer vers le Pilat, relief moyen qui sépare les deux sillons, mais aussi sur les Terres Froides du Dauphiné vers Bourgoin et la Tour du Pin qui coupent l’axe Rhodanien. Ces zones avec leurs régions bordières accumulent souvent plus de 40 cm de neige à des altitudes assez basses car d’un côté elles reçoivent le froid qui permet le passage à la neige et de l’autre l’humidité qui alimente les précipitations.
L’affrontement va durer deux jours entiers car un troisième centre d’action maintient le tout dans ce secteur. Un anticyclone s’est installé au-delà des Alpes. Il résiste en se moulant sur l’arc montagneux. C’est le fameux blocage qui accompagne si souvent les phénomènes méditerranéens Au sud l’air méditerranéen atteint la Côte d’Azur et la Ligurie. Au nord celui de l’Arctique longe l’arc jusqu’en Allemagne. Ensembles ils butent sur la citadelle des hautes pressions d’Europe centrale à l’abri de sa muraille Alpestre.
Cet épisode neigeux a toutes les caractéristiques des catastrophes de neiges lourdes sans connaître l’ampleur des célèbres devancières.
La densité de la neige est importante, de l’ordre de 0,15 avec une très forte charge en humidité et un pouvoir collant certain. C’est toutefois un peu moins que les valeurs enregistrées lors des grandes catastrophes neigeuses où il a été mesuré de l’ordre de 0,16 à 0,18 comme le 26 novembre 1982 et parfois plus. La conséquence de cette particularité est l’accumulation de manchons sur les câbles électriques qui provoquent leur cassure ainsi que celle des supports. Le nombre d’abonnés sans électricité dans le département de l’Isère, environ 45000, est peu comparables aux nombres maximums atteints lors des événements anciens qui ont dépassé, 200000 abonnés sans électricité en janvier 1981, 300000 affectés en décembre 1990 ou janvier 1986, 400000 sans courant en novembre 1982.
Les épaisseurs sont importantes, de 20 à 40 cm dans les zones basses, mais n’atteignent pas les quantités énormes d’épisodes anciens qui ont souvent dépassé plus de 80 cms comme celui de novembre 1982, de janvier-février 1986, de décembre 1990, le plus récent de février 2002 ou le plus épais de fin décembre 1970 et début janvier 1971. A titre d’exemple avec 21 cm au sol à Saint Etienne, l’épaisseur n’est pas comparable à celle des 54 cm du 2 janvier 1971, des 42 cm du 26 novembre 1982, ou les 41 cm de décembre 1990. Cette modération des épaisseurs explique probablement la faiblesse relative des perturbations sur les voies de communication. Les médias n’ont pas fait état de naufragés massivement bloqués sur les autoroutes comme la première fois en vallée du Rhône en décembre 1970 et la dernière fois sur l’A8 en février 2002, ni d’arrêt complet de la circulation des trains comme le 3 janvier 1995. Saint Etienne a bien connu des difficultés le jeudi matin au niveau des transports en communs et de la circulation, mais le blocage total a été évité car 21 cm au sol est plus facile à gérer que 40.
Parmi toutes ces catastrophes neigeuses anciennes, une, toute proportion gardée, présente une ressemblance plus grande avec l’épisode neigeux actuel : celle du 8 au 12 décembre 1990.
La similitude de date ne vous a pas échappé, comme l’étalement sur plusieurs jours de chute continue, deux dans un cas, quatre dans l’autre. La moindre intensité de l’abat neigeux s’oppose dans les deux cas à ceux qui figent des régions entières en quelques heures comme novembre 1982.
La répartition géographique plus septentrionale par rapport aux autres catastrophes neigeuses est aussi très ressemblante. Les grosses chutes de 1990 avaient affecté la bordure orientale du Massif central du Mézenc au Pilat mais aussi le pied des Préalpes au nord du Vercors avec les terres froides du Dauphiné puis la Bresse et le pied du Jura.
Cette similitude géographique entre décembre 1990 et décembre 2008 se différencie des autres catastrophes nettement méditerranéennes et méridionales. Ces dernières avaient touché les Cévennes en décembre 1978, en novembre 1982, et janvier 1986, le Roussillon en janvier 1981 et janvier 1986, la Provence en février 2001 et la vallée du Rhône très souvent comme en décembre 1970 et janvier 1995.
Toutes ces caractéristiques qui associent les chutes de décembre 1990 et décembre 2008 sont à relier a leur caractère météorologique hybrides partiellement méditerranéen.
C’est d’ailleurs l’originalité de toutes les calamités de cette arrière saison, méditerranéennes en grande partie, mais avec, un zeste orageux pour les inondations du début septembre dans la vallée du Rhône, un gros décalage vers la Loire pour la crue du 2 novembre et un affrontement original entre deux airs froid de même origine après des cheminements différents en décembre 2008.
La climatologie réserve toujours des surprises.
Gérard Staron vous retrouve samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance, texte repris sur le portail 'zoom42.fr' . Bonne semaine à tous