Chronique climatologique N°198, le 30/09/1998 avec Gérard et Marie-Gabrielle
La semaine dernière, nous vous entretenions déjà du cyclone Georges et les médias nous ont conté cette semaine ses tribulations dans les Antilles, le Golfe du Mexique et les Etats-Unis. Que peut-on ajouter à ce sujet ?
Je vous entretenais alors du caractère tout à fait fantasque des trajectoires et de l’évolution d’intensité des cyclones, capables de se renforcer ou au contraire de se réduire à des dépressions tropicales inoffensives, capables des changements de cap les plus imprévisibles au point de tourner parfois sur eux-mêmes et de se diriger vers des zones surprenantes.
Dans le caractère fantasque, Georges est particulièrement intéressant. Après avoir connu un début de trajectoire classique comme les ondes d’est en provenance du Cap Vert en traversant l’Atlantique dans le sens Afrique-Amérique, son cheminement devient surprenant depuis qu’il a abordé les Antilles. Après son passage plus modéré que prévu sur la Guadeloupe et la Martinique, où les dégâts n’ont pas été au niveau des prévisions, on l’a signalé sur les petites Iles un peu plus au nord, Antigua, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Il a pris ensuite en enfilade les grandes Antilles, Saint-Domingue, Haïti et Cuba selon une trajectoire est-sud-est, ouest nord-ouest. Il s’est déplacé ensuite suffisamment vers le nord pour effleurer le sud de la Floride et après un arc de cercle sur les eaux chaudes du golfe du Mexique, il est venu aborder les côtes de la Louisiane, il est entré en Alabama avant de reprendre un cheminement sud-ouest nord-est qui va très probablement le renvoyer en direction de l’Atlantique.
Je reçois depuis de nombreuses années avec la revue Met Mar de la météorologie nationale les cartes des trajectoires jour après jour des différents cyclones et je crois que celui-ci est particulièrement erratique.
Son cheminement n’est classique qu’au début, jusqu’au moment où il aborde les petites Antilles, ensuite au lieu de s’incurver traditionnellement selon une trajectoire vers le nord sur l’Atlantique, il s’est enfoncé vers l’ouest en s’arrangeant pour affecter toutes les terres de la région.
La semaine dernière, nous évoquions une baisse de la vitesse de ses vents et pourtant on annonce près de 300 morts dans les grandes Antilles en particulier Saint-Domingue ?
Je ne crois pas que ce soit la vitesse des vents qui soit responsable de l’essentiel des pertes en vies humaines. En effet, il ne semble pas avoir repris de la force depuis sa baisse de puissance en abordant la Guadeloupe. On a annoncé des vents de l’ordre de 160 à 180km/h, c’est certes important et capable chez nous des plus fortes tempêtes, mais pour un cyclone ceci n’est pas exceptionnel. Il se situe en classe 2 ou 3, alors qu’on l’annonçait au départ en classe 4.
Je crois que les dégâts sont liés à 3 phénomènes :
Il est exceptionnel qu’un même cyclone touche autant des régions habitées, dans la zone concernée. Il n’en a pas raté un, les petites puis les grandes Antilles en totalité, puis les Etats-Unis par deux fois. Ces cyclones touchent le plus souvent une ou à l’extrême limite deux terres, jamais une telle suite, ne serait-ce parce que ces cyclones perdent de leur puissance sur les zones continentales ! Pour qu’il mette à son palmarès autant de contrées habitées, il a fallu qu’entre chacune d’entre elles, il se régénère sur un bras de mer chaude. C’est ce que sa trajectoire particulièrement erratique a permis.
Il est aussi capital de constater que la presque totalité des morts se sont produit dans les Grandes Antilles, en particulier la République Dominicaine. On n’en a signalé par contre aucun dans les Antilles françaises et, à ma connaissance, deux aux Etats-Unis. Ceci est à mettre en corrélation avec l’état de développement économique des pays considérés, la République Dominicaine, Haïti et Cuba sont parmi les plus pauvres de la planète et ont les plus faibles PNB du continent. Les alertes y sont aléatoires, l’habitat particulièrement précaire, fait le plus souvent de cases peu résistantes, les secours peu organisés. Au contraire, des pays développés comme les USA disposent autant de services météorologiques que de secours organisés, d’abris adaptés et d’un habitat plus résistant. Ce cyclone certes puissant mais non exceptionnel pour la vitesse des vents a permis une ségrégation nette face à la mort entre pays développés et pauvres.
Enfin comme je vous le précisais la semaine dernière, la vitesse du vent qui affecte les faces orientales de ces différentes terres n’est pas le seul risque lié au cyclone. Les très fortes précipitations sont responsables de violentes inondations et de glissements de terrains. Il a été fait état d’un de particulièrement meurtriers. Lorsque ces cyclones s’enfoncent dans les terres, ils perdent très vite leur vitesse de vent, mais par contre les très importantes précipitations peuvent continuer à pénétrer plus loin vers l’intérieur. C’est très probablement le risque principal qui menace aujourd’hui le vieux sud des USA et celui qui a concerné les versants occidentaux des grandes Antilles par exemple Haïti.
Ces jours, on nous annonce que des restes de cyclones abordent nos côtes, en France, est-ce sérieux ?
Cette affirmation ne correspond pas tout à fait à la réalité. Il est vrai qu’un grand nombre de cyclones, après avoir frôlé ou touché les Antilles, traversent l’Atlantique dans l’autre sens, c'est-à-dire de l’ouest vers l’est, dans notre direction. Dans ce sens, ils abordent des régions maritimes de moins en moins chaudes, ils se détériorent, et, agonisants, ils peuvent s’approcher nos côtes pour les plus persistants mais jamais les atteindre. Il peut alors se produire la transformation suivante : Le cyclone est une dépression qui a un cœur chaud. Ce dernier, moribond, en atteignant ces zones peut recevoir de l’air froid ou rencontrer une perturbation tempérée froide. L’ensemble reprend alors de la vigueur, reconstitue une dépression et une perturbation active, mais dans ce cas le cœur du nouvel ensemble perturbé est froid. Ce n’est plus un cyclone, mais une dépression tempérée qui lui redonne en quelques sortes une seconde vie. Dire dans ce cas que nous sommes atteints par les restes du cyclone X ou Y est un excès de langage, c’est une dépression tempérée née sur les restes du cyclone X ou Y par l’injection d’air froid dans l’ancien cœur chaud moribond de l’ex-cyclone.
Au plaisir de vous retrouver, vendredi prochain, pour une nouvelle chronique de climatologie.
Commentaire actuel :
Comme Georges, les cyclones actuels, Gustav, Hannah, Ike sont aussi facétieux et jouent avec les nerfs des américains et antillais. On a même annoncé que les restes de Hannah auraient approché des côtes de France ces derniers jours…
A dix ans près, seuls les prénoms ont changé….
Gérard Staron http://pagesperso-orange.fr/climatologie.staron