Chronique ancienne N°138 spécial vacances le 18/07/1997 Avec Gérard et Marie-Gabrielle.
Le tour de France s’est arrêté à Saint-Etienne après sa journée de repos, pour une étape contre la montre sur le versant nord du massif du Pilat, nous nous excusons auprès des auditeurs des autres villes du réseau de radio Espérance de privilégier cet évènement stéphanois et vous vous demandez peut-être quelle idée saugrenue d’introduire ceci dans notre chronique.
La raison est simple. Le Pilat sur les pentes duquel s’esbaudiffent aujourd’hui les coureurs, et l’on a choisi pour eux les vecteurs les plus pentus avec la montée de la croix de Chaubouret par la Valla en Gier, est un massif montagneux qui a un rôle climatologique important en France. Il suffit pour s’en rendre compte de consulter une carte pour constater qu’il s’agit d’une barrière entre les deux sillons méridiens voisins du Rhône et de la Loire, mais cet obstacle est peu épais et élevé, 1300 à 1400 m pour les principaux sommets du crêt de l’Oeillon et de la Perdrix, ce qui ne peut empêcher les courants d’air entre ces deux couloirs.
Quelles sont les conséquences climatologiques de ce rôle de barrière climatique très incomplète particulièrement bien placée ?
Une très grande variété de climats tout autour de ses versants. 3 grands ensembles climatiques intéressent la France :
- L’influence océanique qui arrive de l’ouest,
- Celle méditerranéenne qui remonte par la vallée du Rhône
- Enfin la continentale qui envahit à partir des dépressions du nord-est soit les dépressions du Rhin et de la Saône.
Toutes ces influences viennent s’affronter, se mélanger ou se perdre sur les versants du Pilat. P. Estienne dans sa thèse soulignait déjà une recrudescence des pluies océaniques sur les sommets du Pilat, précipitations océaniques qui ignorent les dépressions qui le bordent. Ceci explique que l’on trouve sur ces sommets des précipitations d’hiver très convenables alors que cette saison est particulièrement sèche autant dans les sillons du Gier et de la Loire au nord ou ceux du Rhône au sud.
Il est de notoriété publique que l’influence méditerranéenne vient lécher le versant sud du massif. Les très grosses pluies méditerranéennes qui déclenchent surtout en Automne les crues des rivières de la région viennent s’atténuer sur les sommets. Par exemple, lors de la célèbre crue de septembre 1980 sur la Loire, les précipitations largement supérieures à 100 mm en 24 h ont remonté jusqu’au Pilat et on retrouvait 80 mm à Saint-Etienne sur le versant nord et moins au-delà.
Il est aussi connu que l’influence continentale descendant du val de Saône se dégrade fortement au sud de Lyon. Prenons un seul exemple, celui des inversions de températures avec brouillards persistants des temps anticycloniques froids d’hiver. Au sud de Lyon, ils s’arrêtent souvent au défilé de Vienne qui marque une extension au-delà du fleuve Rhône d’une langue des roches cristallines du Pilat. Ces nuages bas remontent la vallée du Gier et s’arrêtent souvent à la porte de Saint-Etienne où des courants atmosphériques contraires viennent les dissiper et faire souvent repartir l’air en sens inverse.
Il résulte de tout cela une variété et une complexité extrême des régimes pluviométriques autour du Pilat[1] que j’avais pu montrer dans la planche climatologie de l’Atlas du Pilat pour la série 1951 1970.
- Le versant sud, région de Bourg Argental et Annonay, a un maximum de pluies en automne, octobre ou novembre, très méditerranéen.
- Le versant est, région de Pélussin, a un maximum principal en septembre et secondaire en Juin, ceci traduit une influence plus grande des orages continentaux d’été.
- La vallée du Gier a un maximum principal en Juin et secondaire en Septembre.
- A Saint-Etienne les maximums sont en juin et Août.
- Enfin sur les sommets et plateaux de la Haute Loire, bordiers à l’ouest, le mois de Mai prend un rôle de maximum pluviométrique avec le plus souvent Août.
Selon les séries, les variantes sont nombreuses. Par exemple entre les séries 1950-70 et 1950-80 on constate que le maximum d’automne d’octobre avance vers le nord jusqu’à Tarentaise et que ceux de juin et septembre présentent un certain recul. Qui dit zone d’affrontement des différents climats, laisse supposer une très grande sensibilité aux diverses variantes annuelles.
Le Pilat est une barrière climatique, il suffit pour s’en convaincre de comparer la végétation des deux versants, les vignobles et vergers s’opposer aux prairies et forêts de conifères qui descendent presque jusqu’aux vallées industrielles de l’agglomération stéphanoise, mais barrière incomplète avons-nous dit ?
Ceci n’interdit pas l’établissement de courants d’air méridiens forts entre les sillons de la Loire et du Rhône et limite fortement les cas d’inversions de températures avec brouillards surtout en hiver et automne. Ces inversions qui nécessitent un air très stable sont plus nombreuses dans les sillons voisins des Limagnes à l’ouest ou de la Saône à l’est. Un petit courant d’air s’établit entre la Loire et le Rhône au sud de Vienne et les rend moins nombreux, tenaces et épais en altitude autant dans la plaine du Forez et Saint-Etienne que dans la vallée du Rhône. Par vent de nord, sa vitesse est très faible sur le versant Forrézien et les nuages viennent s’accumuler sur la barrière montagneuse du Pilat. Redescendant sur le versant méditerranéen, ce vent s’accélère, donne naissance au mistral et le ciel se dégage. Par vent violent de sud, les vitesses très fortes sont sensibles dans la Plaine du Forez, les nuages avec les fortes pluies s’accrochent sur le versant de Bourg Argental, alors que le ciel se dégage un peu sur celui de Saint-Etienne.
Le Pilat est une barrière particulièrement bien placée au contact d’axes par lesquels pénètrent les influences océaniques et surtout méditerranéennes et continentales qui font des versants de ce massif un puzzle particulièrement complexe et original en France de climats très variés. C’est la situation géographique de ce petit massif à la fois suffisant pour provoquer toutes ces nuances mais insuffisant pour ne pas laisser passer des flux atmosphériques entre sillons de la Loire et du Rhône qui explique ce rôle particulier qui devrait faire de Saint-Etienne la capitale de la climatologie Française, ce qu’elle n’est certainement pas surtout au niveau universitaire, Hélas…
Le Tour de France qui peine sur ses pentes a pu nous amener très loin et avant la chronique de Vendredi prochain où vous nous retrouverez, on encourage qui, Marie-Gabrielle ?
Nos chers Français qui en ont bien besoin. Allez Richard, Laurent, Cédric, Pascal, Luc. Vous reconnaitrez avec quelques extraits musicaux évoquant Saint-Etienne et le tour de France.
Commentaire actuel :
Le Pilat qui accueillait en 1997 le Tour de France, a souvent provoqué des problèmes climatiques à une autre grande course cycliste qui faisait étape autrefois chaque année à Saint Etienne : Paris-Nice
A de très nombreuses reprises l’ascension du col de la république et même de son voisin la croix de Chaubouret a dû être annulée. C’est le thème de notre communication avec Jean-Paul Bourgier à la 19ème conférence internationale de l’histoire du cycle qui se tient du 25 au 28 juin 2008 au Musée d’art et d’industrie de Saint Etienne.
Comme ceci s’est produit souvent un 13 mars, ceci devient en anglais langue officielle du colloque « The curse[2] of the 13th March »