Le trajet que j’ai effectué de la côte d’Azur à Saint Etienne ce dernier mercredi, permet d’analyser le rôle de la fameuse dépression du golfe de Gènes. Les déplacements familiaux sont aussi un moyen d’effectuer de la climatologie.
Depuis Villeneuve-Loubet, on pouvait observer, les jours précédents, un ciel extrêmement noir et chargé en direction de l’est sur la Riviera au delà de Nice, vers l’Italie.
Les précipitations étaient pourtant épisodiques et faibles sur la partie de la côte d’Azur où je me trouvais entre Nice et Antibes. Le ciel était cependant couvert avec des températures assez fraîches qui dépassaient à peine 20° au maximum de la journée.
Au début de mon trajet de retour, mercredi, je rencontre ces conditions nuageuses fraîches avec quelques gouttes jusqu’au franchissement du massif de l’Estérel au-delà de Cannes.
Ensuite, dans la traversée de la Provence intérieure en direction d’Aix en Provence, le ciel se dégage des nuages noirs. Il conserve seulement des cumulus de plus en plus petits, blancs et inoffensifs. La luminosité devient l’aspect dominant de l’atmosphère. Le vent se lève progressivement, ses rafales les plus violentes provoquent de petits déplacements latéraux des véhicules. La radio des autoroutes met en garde contre ses effets en Camargue et au sud d’Avignon. Enfin la température révélée par la sonde de mon véhicule augmente dans ce début d’après midi : 21° après Cannes, 23° vers Fréjus, 24° dans la Provence intérieure, 25° au niveau d’Aix en Provence, et un maximum de 26° au niveau d’Avignon.
Alors, mon trajet change de direction avec la remontée de la vallée du Rhône. Mon déplacement s’effectue face au vent du nord qui commence à baisser de violence. En ces temps de carburant cher, j’ai pu constater l’impact du vent sur la consommation d’essence. Dans des conditions de circulation, de conduite et de vitesse semblables, il m’a fallu au retour ¼ de carburant en plus par rapport à l’aller qui s’était déroulé dans avec un vent faible et plutôt favorable.
En remontant le sillon Rhodanien, j’ai pu observer une barrière de nuages noirs transversale par rapport à mon trajet. Je n’ai pas tardé à constater que la limite de cette couverture nuageuse suivait le rebord oriental du Massif central des Cévennes au Mézenc et au Pilat. L’avant-garde de cette couverture nuageuse s’avance par-dessus le massif et commence à masquer partiellement le soleil à partir de Valence puis totalement au niveau de Vienne et encore plus au-delà de Givors en remontant la vallée du Gier. La température donnée par ma sonde reste longtemps à 24° puis 23°. Puis à partir de Valence c’est la chute avec 16° à Saint Etienne.
Le responsable de ces changements de temps avec les limites géographiques rencontrées est la dépression du golfe de Gènes qui s’est installée depuis le week-end et dont c’est le dernier jour de présence mercredi.
Chaque fois qu’une descente d’air froid atteint la Méditerranée, elle provoque la création d’une dépression sur la Grande Bleue. La tiédeur et l’humidité de la mer sont aspirées par la froidure qui s’installe au dessus, ce qui détermine les basses pressions sur la mer. Pourquoi cette dépression vient –elle toujours se localiser sur le golfe de Gènes et y reste souvent ?
Dans ce cas, on ne peut invoquer l’arrivée de l’air froid directement sur le golfe par-dessus les Alpes ou la France ce qui se produit souvent, en effet il a progressé à partir de l’Espagne. Il semble que la situation géographique qui dégage un espace maritime aux eaux tièdes ceinturé d’une côte circulaire surmontée de reliefs élevés qui plongent directement dans la me, soit un élément important de la localisation de cette dépression.
La mise en place de ce centre d’action atmosphérique (la dépression) permet la création d’un immense tourbillon dont j’ai connu dans mon déplacement de mercredi une grande partie des facettes en sens inverse.
A l’est du centre de la dépression, les côtes reçoivent le flux de sud qui s’est humidifié sur la Grande bleue. Il dépose ses précipitations sur les côtes de la Rivièra française et italienne à partir de Nice, jusqu’à la Toscane. Le Tour d’Italie qui mercredi faisait étape sur l’Apennin du nord a été perturbé par la pluie avec de très nombreuses chutes dans le peloton comme presque chaque année[1]. Les pluies continuent leur déplacement dans la plaine du Pô ainsi que sur les Alpes du Nord. Mardi et mercredi, il a neigé sur les Alpes Suisses et Italiennes au dessus de 2500 mètres. A de telles altitudes, on se trouve dans l’air froid. Enfin l’air humide refroidi termine son tourbillon sur la France. Ses derniers nuages, peu capables de provoquer des pluies en fin de course, finissent par obscurcir le ciel sur les crêtes de l’est du Massif central, en particulier du Mézenc au Pilat. Les températures sont basses avec le 16° de Saint Etienne.
Ce tourbillon humide et pluvieux commence le plus souvent à Nice et continue vers l’est en direction de l’Italie. La partie de la côte d’Azur située un peu à l’ouest entre Nice et Cannes jusqu’au Massif de l’Estérel, est en bordure du phénomène dans l’exemple de cette semaine. Elle connaît les précipitations de façon atténuée.
Ce tourbillon autour de la dépression du golfe de Gènes connaît aussi une branche descendante en direction de la Méditerranée. Quand l’air froid a franchi les sommets du Massif central et des Alpes, il prend un chemin nord sud par la vallée du Rhône et la Provence. En descendant des reliefs, l’air se réchauffe et s’assèche. Ceci explique les très fortes températures au niveau d’Avignon et d’Aix en Provence, mais aussi la grande luminosité de l’air sans aucun nuage car tout air qui se réchauffe s’éloigne de son point de condensation. L’air s’accélère en descendant, attiré par la dépression, le vent prend de la vitesse, canalisé par le sillon rhodanien.
En allant de la côte d’Azur à Saint Etienne, j’ai effectué une partie du tourbillon provoqué par la dépression du golfe de Gènes à contre sens et j’ai subi successivement ses deux branches :
- celle humide au départ vers Nice et en bout de course sur le Massif central
- celle sèche et descendante sur la Provence et la vallée du Rhône
Cette semaine j’ai observé une forme atténuée de ses effets, car très creusée en automne et en hiver, elle accompagne une grande partie des calamités de la région :
- les vents peuvent être autrement plus violents que mercredi : le mistral de nord en vallée du Rhône, mais aussi de très fortes tempêtes d’ouest sur les côtes à partir du Var.
- Les précipitations intenses aussi de la Provence à la Toscane susceptibles de déclencher de fortes inondations.
Cette dépression se met en place chaque fois que de l’air froid arrive sur la Méditerranée dont les eaux profondes ont la particularité de rester tièdes vers 13°. Plus le contraste thermique entre les deux est fort, plus le temps est calamiteux :
- En hiver, l’air qui arrive est très froid.
- En automne la Méditerranée reste très chaude.
Ce sont les deux périodes de l’année où la dépression du golfe de Gènes est la plus active. Dans la saison actuelle, « la Grande Bleue » n’est pas encore très réchauffée et l’air qui arrive n’est plus aussi froid qu’en plein hiver, pour provoquer des effets extrêmes. C’est cependant suffisant pour définir des climats régionaux ainsi que les limites de relief sur lesquelles se moule l’action de cette dépression.
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes de radio Espérance, le texte étant repris sur le portail Internet zoom42.fr et sur ce blog
[1] Jean-Paul Bourgier et Gérard Staron
« Conditions climatiques et compétitions cyclistes – Atmosphères de courses »
Editions de L’Harmattan collection Espaces et temps du sport, 315 pages, 2007
« Ces pages, je les ai dévorées parce qu’elles on le charme de l’inédit et que leur contenu est passionnant » Jean-Marie Leblanc
« Ce livre très original rassemble de très nombreuses analyses de courses cyclistes professionnelles pendant lesquelles les conditions météorologiques ont facilité des performances exceptionnelles, gêné la course, voir provoqué de graves accidents » « Vient de paraître »La Météorologie 8ème série N°59 novembre 2007 Revue de la société météorologique de France